UNE CRISE, DES MESURES
Nous attendions tous la mise en place de mesures de gestion de crise, après plusieurs années de travail intensif de vos représentants professionnels (proposition dès 2019 des premières mesures de régulation). Marc FESNEAU (ministre de l’Agriculture) annonçait, le 6 février dernier, une distillation de crise nationale, puis lors du salon de l’agriculture, la possibilité de mettre en place un arrachage sanitaire en Gironde.
La distillation avec un budget de 160 millions d’euros (qui pourrait être abondé de 40 millions d’euros) se déroulera en 2 phases, une avant les vendanges 2023 et l’autre après, car le budget provient de 2 campagnes viticoles différentes. Les modalités ne sont pas entièrement actées à ce jour, mais elles vont se rapprocher de la distillation que nous avons connue en 2020 pendant la Covid-19.
L’arrachage sanitaire est un nouvel outil, que seul Bordeaux (pour l’instant) va mettre en place. Ce nouveau dispositif a été poussé de haute lutte par la filière bordelaise, car aujourd’hui plus aucun outil d’arrachage n’existe en Europe et en France au niveau règlementaire. Nous sommes partis du postulat que si nous ne faisions rien, plusieurs milliers d’hectares seraient abandonnés par nos viticulteurs à cause de la crise. Ces vignes, une fois abandonnées, développeraient des maladies (entre autres la flavescence dorée, maladie en lutte obligatoire), et nuiraient par contagion à l’ensemble du vignoble bordelais. Afin d’éviter cela, nous allons donc effectuer des arrachages préventifs, après les vendanges 2023. L’état financera 38 millions d’euros, et nous professionnels, par l’intermédiaire du CIVB, nous financerons 19 millions d’euros (après un vote de validation en AG). Ces 57 millions d’euros permettront d’arracher 9500 hectares à 6 000 €/ha. Ces 6 000 €/ha pourront être abondés par les aides à la diversification ou au boisement, pour atteindre 8 000 €/ha. Là aussi, toutes les règles ne sont pas encore définies. Dès qu’elles le seront, des réunions sur le terrain seront organisées par votre ODG pour vous donner toutes les modalités. Néanmoins, je peux déjà vous dire que cet arrachage sera limité à l’enveloppe financière allouée, donc rapide (2 campagnes), et sera définitif (perte des autorisations de plantation).
Pour aller plus loin, nos discussions se poursuivent avec Cognac et l’Administration pour trouver des solutions utiles et conformes aux attentes de nos deux vignobles sur nos potentiels de production respectifs. Nous cherchons également des solutions pour la suppression des anciennes friches. Les vignes qui ne sont plus enregistrées (absence de déclaration depuis plusieurs années) ne pourront pas bénéficier du système d’arrachage par le fond sanitaire. Néanmoins, pour les mêmes raisons sanitaires que celles évoquées précédemment, nous allons mettre en place, par l’intermédiaire du stockage carbone ou de la compensation forestière, un dispositif d’arrachage qui ne coûtera rien à l’opérateur. Enfin, nous continuons aussi le travail sur le devenir des parcelles arrachées, en collaboration avec les collectivités territoriales, le Département, mais aussi la Région qui s’est déjà engagée à hauteur de 10 millions d’euros.
En diminuant nos stocks par la distillation et en éliminant quasiment 10 000 hectares de vignes, nous avons les outils nécessaires pour rétablir les équilibres de nos appellations. Pour rappel, la surface revendiquée en appellation régionale Bordeaux (dans les 3 couleurs) en 2022 était d’environ 50 000 ha, un arrachage de 10 000 ha représenterait environ 20% de nos surfaces.
Sortir de la crise est possible. L’arrachage, la distillation vont nous y aider, mais il va surtout falloir adapter notre offre et regagner des positions commerciales en France et à l’étranger. Pour renouer avec la compétitivité que nous souhaitons tous, il est primordial d’arrêter d’associer Bordeaux à la crise et de reparler positivement du vignoble. Faisons à nouveau rêver les consommateurs pour conquérir les marchés avec les fabuleux vins que nous produisons, sur ce magnifique terroir que nous exploitons.
Croyons en Bordeaux !
Votre Président,
Stéphane GABARD
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