Le réveil du printemps face au froid des transactions
Notre filière viticole traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire. De mémoire de vignerons, jamais une crise a été aussi dure et longue. La déconsommation, les tensions économiques mondiales et les barrières douanières imposées par nos deux principaux marchés exportateurs — la Chine et les États-Unis — pèsent lourdement sur la commercialisation de nos vins.
Derrière cette chute des volumes vendus, c’est aussi la valorisation de nos vins qui s’effondre. Sans justification technique, cette baisse des prix ne stimule ni les ventes, ni la consommation. Elle ne fait qu’appauvrir nos exploitations, mettant en péril des générations de travail et de savoir-faire.
Les arrachages massifs engagés ces deux dernières années vont permettre de rééquilibrer l’offre et la demande, mais pas de faire remonter les prix à court terme au vu des stocks encore présents. Nous envisageons donc d’autres leviers d’actions pour limiter ces prix bas.
Le premier est l’évolution d’ÉGALIM qui doit renforcer le contrat amont entre producteur et metteur en marché. Malheureusement, le texte tarde à être examiné et la faible stabilité du gouvernement freine son aboutissement.
Le second outil, l’organisation de producteurs, se heurte à des résistances internes. Une partie de notre propre filière refuse d’en voir l’utilité, ralentissant la mise en place du décret national qui permettrait pourtant de mieux défendre nos prix.
Deux autres leviers de la réglementation européenne (articles 170 ter, 210 bis) sont en train d’être expertisés. L’un permettrait la sauvegarde de nos signes de qualité (IG, bio, HVE) et l’autre d’instaurer des prix d’orientation pour le vrac. Même si ces dispositifs sont peu contraignants, ils pourraient enrayer ce dumping sur les prix.
En attendant, nos prix restent bas, trop bas. Il s’échange malheureusement quelques contrats à moins de 700 € sur le millésime Bordeaux rouge 2024 (moins de 5%) et nous devons lutter contre ce fléau. Nous allons activer l’outil de contrôle sur les vracs à très bas prix. C’est un signal fort, empêcher que certains produits repliés en Bordeaux ou que des opérations destructrices d’image ne tirent nos prix encore plus vers le bas, de manière injustifiée. Ces ventes ne bénéficient ni aux consommateurs ni aux producteurs — seulement aux intermédiaires.
Oui, ce contrôle risque d’allonger les délais et de compliquer certaines transactions. Oui, dans le cas d’un contrôle nos délais de paiement seront rallongés, mais face à une crise d’une telle ampleur, pouvons-nous rester les bras croisés ? Sommes-nous prêts à laisser mourir notre filière sans réagir ? C’est pour cette raison que vos représentants ont décidé d’agir aussi sur ce front. Aussi je vous demande, lorsque Quali-Bordeaux viendra prélever vos vins : respectez les préleveurs, ils ne sont pas responsables de cette décision.
Plus que jamais, notre avenir dépend de notre capacité à agir, ensemble. À défendre la valeur de notre travail. À affirmer la dignité de notre métier.
Continuons à nous battre, pour nos exploitations, pour nos familles pour l’avenir du vin de Bordeaux.
Avec engagement et solidarité, croyons en Bordeaux.
Votre Président
Stéphane Gabard

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