L’arrachage primé, fiction ou réalité ?
À l’heure où nous parlons tous d’arrachage, ma question peut vous paraître saugrenue mais il me semble important de clarifier certains points.
A Bordeaux, nous avons connu pendant plus de 20 ans une progression commerciale continue. Notre vignoble s’est rapproché des 6 millions d’hectos annuels vendus. Pour soutenir cette progression, nous avons eu recours aux plantations nouvelles. Puis, depuis les années 2000, nous connaissons des variations significatives de notre commercialisation. Nous pensions que les causes étaient conjoncturelles, et l’ouverture de nouveaux marchés exports (exemple la Chine) nous a laissé croire que la crise pouvait être passagère.
Mais depuis 3 ans, notre commercialisation ne cesse de baisser (baisse du marché Chinois et surtout effondrement du marché Français). Aujourd’hui, nous commercialisons moins de 4 millions d’hectos (ce recul a surtout eu lieu dans nos appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieur). A ces niveaux de commercialisation, il n’est plus possible de réguler par le rendement : il faut diminuer nos surfaces pour produire moins. Car lorsqu’il y a surproduction, les stocks non commercialisés pèsent sur le marché, ce qui entraine une baisse du prix, de la valorisation et de la notoriété. Et encore, sans la distillation de 2020 et les petites récoltes dues aux accidents climatiques, nous serions dans une situation encore plus désespérée. Jusqu’en début d’année, nous croyions encore à une reprise de la commercialisation post-covid mais la guerre en Ukraine est venue balayer nos derniers espoirs.
Toutes les instances bordelaises (ODG, CIVB, CA33, FDSEA, FGVB, Fédération des Caves Coopératives, JA, VIF33…), accompagnées du Collectif des vignerons, se sont donc alignées sur une demande d’arrachage définitif primé avec perte des autorisations de plantation et avec maintien de la destination agricole des surfaces. Cet arrachage a pour vocation de diminuer le volume de vin produit, il concernera uniquement les vignes en production. D’autres outils seront à trouver pour éliminer les friches qui se sont multipliées ces dernières années.
Chaque jour, nous travaillons d’arrache-pied pour obtenir cet arrachage primé pour faire bouger la règlementation européenne qui l’interdit et mobiliser des enveloppes financières conséquentes.
A ce jour, le Ministre de l’Agriculture Marc FESNEAU nous a, hélas, clairement dit ne pas vouloir ouvrir la porte à des négociations pour utiliser les fonds de l’OCM viticole et nous a renvoyé à des discussions avec la région Nouvelle Aquitaine pour travailler à l’utilisation des fonds Feader (fonds régionaux et européens). A l’heure où j’écris ces lignes, rien n’est construit, ni validé : seul le consensus sur l’impérieuse nécessité d’arracher est acté. Nous faisons tout notre possible pour trouver la voie la plus rapide, mais nous ne connaissons pas le pas de temps nécessaire pour obtenir ce dispositif. Nous ne voulons pas faire de promesses que nous ne tiendrons pas, d’où cette volonté de transparence.
En parallèle, nous travaillons sur d’autres mesures pour relancer notre commercialisation. Ces mesures vous seront présentées lors des réunions de secteur qui se dérouleront en décembre et janvier.
Je souhaite à tous beaucoup de courage pour traverser cette crise sans précédent,
Votre Président,
Stéphane GABARD.
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